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Le manque de scepticisme oppresse et tue

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Les Français manquent de scepticisme.

Tous les jours, à tous les niveaux, des choix douteux et coûteux sont faits car les réflexes de base de la pensée sceptique ne sont pas appliqués.

Prenez par exemple les jeunes musulmans français qui fuguent pour aller faire le Jihad en Syrie. On parle aujourd’hui de plusieurs centaines de jeunes partis faire la guerre sainte. On pourrait penser que ce sont exclusivement des gamins paumés, sans aucun repère. Et pourtant il y a parmi eux un nombre non négligeable de personnes avec un haut niveau d’études. Ils ont un repère surpuissant, la foi. Ce qui leur manque c’est le réflexe du doute. Douter de la parole des meneurs qui leur disent qu’il n’y a rien de plus beau que de mourir au Jihad, alors qu’ils restent bien au chaud en Europe. Douter de la pertinence de la division du monde en deux catégories, les musulmans et les autres. Douter de la parole du prophète, et de sa révélation divine.

Les journalistes d’Envoyé Spécial s’y entendent pour nous monter des docus effrayants sur ce sujet, montrant les passeurs, les démagogues qui endoctrinent les gamins venus étudier le Coran, les parents de gamins ayant fugué pour aller manier la Kalachnikov en Syrie.

Mais qui osera dire à ces gamins, tentés par le Jihad, que leur dieu n’existe probablement pas ? Que le paradis qu’on leur promet est un leurre grossier ? Que leur attachement à une religion donnée est un hasard de la naissance, ou de rencontre pour les fraîchement convertis ?

Le débat sociétal en France manque également de sceptiques. Le cheval de bataille des Manif pour Tous, par exemple, est le bien être des enfants élevés par des couples homosexuels. Ils sont tellement sûrs d’eux, qu’ils ne s’embarrassent pas à prouver leur intuition. Ils ont une seule étude, qui est complèment bidon, dans leur besace. La seule chose dont ils veulent faire la démonstration, c’est leur nombre.

Les journalistes se font leurs complices, en rapportant leurs argumentaires, leurs propos, et leur nombre dans les manifestations. Comme si la vérité sur ces questions se décidait suite à un concours de popularité.

Les partisans de la théorie du complot, quelle qu’elle soit, se prennent pour des sceptiques, mais prennent leur problème à l’envers. Ils partent de leur conviction que les Juifs contrôlent le monde, ou que les attentats d’Al Qaeda ne peuvent pas expliquer seuls la chute des tours du World Trade Center, et se mettent en quête de signes pour confirmer ces convictions. Un sceptique sait que l’esprit humain trouve toujours matière à confirmer des convictions, et néglige ou minimise les éléments qui vont dans le sens contraire.

Dans le domaine de la santé, des charlatans comme les laboratoires Boiron font fortune en vendant des pastilles de sucre comme des médicaments. Qu’ils soient sincères dans leur croyance que l’homéopathie a quelque chose à faire dans le domaine médical ou pas, il est regrettable que les pouvoirs publics ne fassent rien pour lutter contre la présence de cette pseudo-science dans les pharmacies. Si ces produits ne font aucun mal directement — c’est d’ailleurs la seule chose que les laboratoires concernés aient à démontrer pour pouvoir mettre un produit homéopathique sur le marché, par une contorsion de la logique qui m’épatera toujours — ils entretiennent dans le grand public la notion que les médecines non scientifiques sont légitimes, que les laboratoires qui font de la vraie recherche produisent systématiquement des produits dangereux et qu’en matière de santé, leurs anectodes valent bien une étude rigoureuse en double aveugle. Par ailleurs, les médecines dites douces peuvent retarder des interventions nécessaires et coûter la vie à des personnes qui auraient pu être sauvées par la médecine conventionnelle, si traitées à temps.

Le scepticisme, c’est le système immunitaire de la pensée. C’est connaître les erreurs de jugement que notre cerveau peut faire, de part sa tendance à faire des raccourcis, à s’économiser, à chercher un leader autoritaire à suivre.

Le scepticisme, c’est demander des preuves à la mesure du caractère extraordinaire (et donc difficile à croire) des propos tenus. Comme disait Carl Sagan :

Extraordinary claims require extraordinary evidence.

Le scepticisme, c’est savoir reconnaître un argument fallacieux, et ne pas donner crédit aux arguments basés sur la tradition, la popularité d’une croyance, l’autorité d’une personne, ou la perspective d’une conséquence jugée bonne ou mauvaise.

Le scepticisme, c’est accepter le fait qu’on n’a pas réponse à tout, et que quiconque prétend avoir accès à une sagesse divine n’est pas digne de confiance.